Frontispice du Parnasse réformé
Les éditions 1668 et 1669 du Parnasse réformé sont ornées du même frontispice dont la signature, “Landry”, renvoie à Pierre Landry (1630-1701), graveur et marchand d’estampes parisien, qui se spécialisera plus tard dans les tailles-douces en tableau, « copies » de toiles célèbres, en général à sujets religieux, source d’un commerce florissant.
La scène symbolique proposée au seuil de l’ouvrage, centrée sur la figure d’Apollon entouré d’auteurs anciens et modernes, dérive indirectement de la fresque réalisée par Raphaël pour la Chambre de la Signature du Vatican (1511), largement diffusée par la gravure. C’est sur la base de ce modèle, qu’illustre notamment une célèbre toile de Nicolas Poussin (Le Parnasse ou Apollon et les Muses, 1631-1632, Musée du Prado), qu’il convient de repérer certaines variantes significatives :
L’absence des muses, qui correspond à leur quasi évacuation du texte de Guéret (voir Apollon dans Le Parnasse réformé).
La réduction du nombre des auteurs, qui ont du reste perdu leur couronne de lauriers. A la droite d’Apollon, trois personnages barbus revêtus de tuniques et de longs manteaux correspondent aux Anciens ; à sa gauche, cinq Modernes, dont l’un, au premier plan, lui présente une supplique.
Alors que les poètes célébrés dans la fresque de Raphaël sont tous identifiables, il est difficile de mettre un nom sur les interlocuteurs d’Apollon dans notre frontispice. Le vieillard chauve qui se tient au premier plan rappelle les représentations conventionnelles d’Homère, au détail près que son regard soutenu n’est en rien celui d’un aveugle. Dans le groupe des Modernes, en revanche, on reconnaît sans hésitation Scarron dans le cul-de-jatte appuyé sur une béquille.
L’essentiel de la scène réside peut-être dans le jeu des correspondances gestuelles. Apollon se borne à soutenir de la main gauche une lyre dont il a manifestement cessé de jouer. De l’index droit il pointe le sol, instaurant une diagonale prolongée par l’index de Scarron, dirigé vers lui. Dans une relation perpendiculaire se dessine un second axe, inauguré par l’index d’“Homère” auquel répond, sur une ligne décalée vers le bas, la supplique présentée par le chef de file des Modernes. Ainsi s’établit une manière de circularité susceptible de remettre en cause la suprématie de l’inspirateur divin.
On constatera enfin la disparition complète du décor champêtre. Aux lauriers que baigne la source d’Hippocrène se sont substitués des livres éparpillés sur le sol, dont certains servent de marchepied aux protagonistes. Ce traitement dédaigneux, joint au désordre de l’étalage, semble récuser toute sacralisation de l’écriture. L’amas des livres suggère à tout le moins l’état de confusion qui réclame l’avènement d’une réforme.
Le titre de l’ouvrage, Le Parnasse Reformé, s’inscrit au sommet de l’image, dans un listel attaché à la trompette que sonne la Renommée ailée.
Références bibliographiques
Maxime Préaud et al., Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Promodis, 1986, s. v. Landry, Pierre.
Frédéric Jimeno, « Les tailles-douces en tableau de Pierre Landry et de ses héritiers », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 2008, p. 81-107.