Jean Ogier de Gombauld (Gombault, Gombaud), mort très âgé en 1666 (sa date de naissance est incertaine : 1576 ?), est à la fois un témoin de la culture mondaine et l'un des premiers membres de l'Académie française.
Une carrière mondaine
Sa carrière prend son essor dans le cadre de la Cour.
Au service de Marie de Médicis, il chante sa protectrice sous les traits de Diane dans le poème d'Endimion (1624), dont le style pourrait avoir inspiré Mlle de Scudéry.
En 1631, l'année de la Silvanire de Mairet, il publie de son côté L'Amaranthe, pastorale dramatique imitée du Tasse (L'Aminta) et de Guarini (Il Pastor fido).
Le recueil de ses Poésies (Courbé, 1646) sera suivi de trois volumes d'Epigrammes (Courbé, 1658) dont certaines éclairent utilement quelques traits de Molière, notamment dans L'Avare.
Sa production se clôt sur une tragédie, Les Danaïdes (1658), qui ne connaîtra pas la faveur du public.
Le succès de Gombauld ne se limite toutefois pas à ses oeuvres publiées. L'ascendant de l'académicien, familier du salon de Mme de Rambouillet où il acquiert le sobriquet de "Beau Ténébreux", s'exprime avant tout dans le registre de la conversation. Disciple affirmé de Malherbe, dont il apparaît comme le porte-parole dans la Guerre des auteurs (p. 93), il passe auprès de ses contemporains pour un maître du sonnet (ibid., p. 139) et surtout l'un des meilleurs arbitres de la langue. Sans doute n'est-ce pas par hasard que le discours qu'il prononce à l'Académie en 1635, texte aujourd'hui perdu, a pour sujet le "Je ne sais quoi". C'est à ce titre d'expert de la langue qu'il sera entraîné dans la Querelle du Cid, en donnant notamment une dernière touche aux Sentiments de l'Académie rédigés par Chapelain.
L'autorité naturelle de cet élégant vieillard suffisait-elle à le désigner comme guide de Guéret au Parnasse ? Après tout, il s'agit d'un auteur relativement ancien, dont le prestige paraît sans commune mesure avec celui d'autres représentants de sa génération, un Balzac, un Tristan, ou même un Racan. Or il se trouve que, contrairement aux apparences, Gombauld n'est de loin pas tombé dans l'oubli en 1668. Son nom s'impose par exemple en bonne place sur la première page de la cinquième partie des Poésies choisies éditées par Sercy en 1666, alors que ni Tristan ni Racan ne figurent dans cet éventail publicitaire. En 1669 paraissent à titre posthume ses Traités et lettres touchant la religion, publiés par les soins de son coreligionnaire Conrart. Gombauld est bien présent dans les recueils collectifs de poésie, encore qu'il y paraisse le plus souvent sous l'anonymat. Seules deux pièces signées sont repérables en 1660 et en 1666. Mais l'année 1671 voit soudain une manne de six poèmes explicitement attribués, comme si Le Parnasse réformé avait contribué à réactualiser le vieux poète. (Nous remercions Miriam Speyer pour ces informations.)
En résumé, cet académicien de la première heure, que son usage raffiné de la langue et sa pratique des formes poétiques brèves rapproche de la culture mondaine, représentait un candidat de choix pour le rôle que lui réserve Guéret. Son décès récent lui donne droit d'entrée en Parnasse, tout en le rattachant encore aux questions disputées parmi les vivants. Et son âge très avancé, associé à l'estime générale dont il a toujours bénéficié dans les milieux littéraires, lui confère par excellence la dignité de mentor.
Orientation bibliographique
Gombauld attend encore une étude approfondie. On ne dispose pour l'instant que de travaux anciens :
R. Kerviler, Jean Ogier de Gombault, Paris, 1876.
Lydie Morel, Jean Ogier de Gombault, sa vie son oeuvre, Neuchâtel, 1910.
Le Dictionnaire des Lettres françaises (éd. 1996) propose un article détaillé de Pierre Sage, révisé par Jean-Pierre Chauveau.